lundi 22 octobre 2012

Hommage à Georges Chaulet

Très chagrinée d'apprendre la mort de Georges Chaulet, bien qu'elle advienne après une vie longue et riche. Fantômette, à bien des égards, c'est l'héroïne qui a construit mon identité. Ma petite Sesame Seade s'en inspire copieusement. Je collectionne les anciennes éditions de Fantômette, le papier est tout jauni et elles sentent les vacances d'été de mon enfance. Je relis les livres très fréquemment. J'éclate encore de rire toutes les trois pages. Chaulet rejoint Astrid Lindgren et Anthony Buckeridge dans mon panthéon personnel des auteurs jeunesse qui ont fait de mon enfance une période aussi heureuse.

Il y a quelques années j'avais été sollicitée par une publication féministe canadienne pour écrire un court texte qui est paru dans un agenda, au mois de juillet. Il fallait écrire quelque chose sur une héroïne qui nous avait inspirée. J'avais choisi Fantômette, évidemment, et voici mon texte en guise de merci à celui qui vient de partir.




Justice, Judo et Justaucorps

Fantômette cache un canif dans le F de sa broche, qu’elle saisit entre ses dents pour cisailler ses liens quand des méchants l’ont attachée. Elle possède aussi un poignard florentin extrêmement aiguisé. C’est une vraie héroïne, forte en tout, en gym comme en chinois, en judo comme en électronique. Ce qui fascine chez Fantômette, c’est ce secret de polichinelle qui l’entoure, car on sait que dans la vie de tous les jours, elle va à l’école et fait des dictées. Elle n’a pas de parents, parce qu’elle n’en a pas besoin. Elle a un chat, animal noble et indépendant. C’est une justicière féroce qui n’a pas que ça à faire, vivre des bluettes avec Œil-de-Lynx le journaliste. Ses yeux noirs, dit-on, pétillent d’intelligence.
Elle arrive toujours pile au bon moment, dans la vraie vie comme à Framboisy. Elle attrape les lectrices qui sortent tout juste de Martine et leur fait voir ce que c’est une fille, une vraie. Fantômette-Françoise, ce sont les deux visages de la petite lectrice éclairée et moderne, forte à l’école publique et forte à la vie privée. Elle sauve la société incognito. Heureusement qu’elle est là.
Quand on en a assez de tant de superperfection, et qu’en tant que lectrice on se sent un peu intimidée par cette grande dame moderne de la vengeance masquée, on retrouve Ficelle et sa tête de linotte, ado dégingandée des années 1960, et on se dit qu’elle est bien rigolote avec ses chaussettes vertes, mais que personnellement on préfère être Fantômette.
Fantômette, c’est la seule vraie super héroïne au monde. Elle ne vieillira jamais, parce qu’elle est l’idéal féminin en justaucorps jaune sur un cyclomoteur. Toujours dans l’action, jamais dans la passion. Mille pompons, pas besoin d’expliquer pourquoi elle m’inspire, pourquoi je relis ses aventures jusqu’à les connaître par cœur. On est inspiré par le suprême, et Fantômette appartient à cette catégorie. Elle est suprêmement intelligente, suprêmement costaude, suprêmement maligne, et suprêmement drôle. Spiderman ne lui arrive pas à la cheville, qu’elle a fine et musclée. Pas besoin de superpouvoirs quand on a cultivé tous les pouvoirs de l’esprit et du corps. Elle œuvre pour la justice, pour Framboisy, et pour toutes les filles du monde. 
Relisez Fantômette.



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