mardi 31 janvier 2012

Chartisteries

Oyez oyez, j'ai désormais mon mini-site sur le site de la Charte des Auteurs et Illustrateurs Jeunesse!

Bon, il fait un peu maigrichon à côté de ceux qui ont déjà huit mille bouquins à leur actif, hein, mais un jour vous verrez, moi aussi j'aurai plein de livres de moi dans ma bibliothèque!

mercredi 25 janvier 2012

Un digne et vous


Bon, mes camarades Agnès Laroche, Fanny Robin, Séverine Vidal, Sandrine Beau, Anne-Gaelle Balpe et Annelise Heurtier, et moi-même avons un tant soit peu fait exploser Facebook hier, ce pour quoi je vous prie de m'excuser - cependant, c'est pour la bonne cause, car nous avons appris que notre roman à 7, On n'a rien vu venir, qui sortira en mars chez Alice Jeunesse, sera préfacé par nul autre que Stéphane Hessel.

Sa préface, nous l'avons lue, et elle est superbe, émouvante, passionnée, et magnifiquement adaptée à un public d'enfants.

Je suis absolument ravie qu'un projet aussi ambitieux et aussi atypique voie le jour sous des auspices aussi favorables. C'est Séverine et Sandrine qui en sont les instigatrices - et j'ai plein de bons souvenirs des journées et des soirées d'emails frénétiques pour décider de l'histoire, des personnages, de l'intrigue, et de comment fédérer 7 styles, 7 points de vue, 7 imaginations autour d'une histoire commune.

mardi 24 janvier 2012

J'y suis!



Sauras-tu deviner pourquoi ce billet est orné d'une photo de chartreux?

Ca y est, j'y suis! Oussakételdon, vous demanderez-vous? Eh bien, à la Charte des Auteurs et Illustrateurs Jeunesse, bien sûr!

La Charte, comme je suis en train de le découvrir, c'est une association géniale créée pour défendre les droits de ceux qui décident comme moi de se faire hara-kiri socialement et financièrement en rédigeant des bouquins pour homoncules.

Une fois qu'on s'est délesté d'une dîme parfaitement abordable, et qu'on a prouvé que nos ouvrages sont des vrais de vrais qui n'ont pas été agrafés à la main par sa maman et vendus au marché de Trou-les-Colombes, on entre dans un monde absolument magique et complètement dévoreur de temps appelé Les Forums Privés des Chartistes, où l'on découvre (quand on est comme moi un peu benêt) les réponses à tout ce qu'on a toujours voulu savoir sur l'édition jeunesse sans jamais oser le demander.

On découvre aussi qu'il y a des gens qui écrivent dans les forums qui ohmondieu mais on a lu TOUS leurs livres quand on était petit/ado et là c'est limite comme si t'es sur la même longueur d'onde que ces dieux et déesses de la littérature de ton enfance!!! (oui, cela mérite trois points d'exclamation)

Et puis on reçoit ensuite des brochures hyper bien réalisées et satanément instructives sur la rémunération des auteurs, la lecture d'un contrat d'édition, etc etc. Sans parler des emails bourrés d'infos sur ce qui se passe dans notre étrange microcosme et comment ne pas se faire entuber par les patibulaires qui y turbulent.

Bref, c'est comme une maison toute bien chauffée et pleine de tartiflette au milieu des steppes glacées et inhospitalières que sont ze life of an écrivain.

Cela fait donc quelques jours que d'un coup, j'aime un peu beaucoup plus mieux mon 'métier'. Mille danke schön à toi, la Charte.

dimanche 22 janvier 2012

Ma vie est tout à fait compliquée

Conversation ordinaire entre Mec British Bien Mignon (MBBM) et myself (Ego) lors d'un vénérable dîner cambridgien:

MBBM: Et donc vous qu'est-ce que vous faites?

Ego: Alors là je suis en doctorat de littérature jeunesse.

MBBM: Ah! Donc c'est pour... euh? Devenir auteur de livres pour enfants?

Ego: Non, non. Enfin je le suis aussi, accessoirement, mais ça n'a rien à voir.

MBBM: Ah! Mais donc c'est alors pour... euh... devenir prof des écoles?

Ego: Non, pas du tout. Enfin c'est pour être prof, mais d'université. Pour adultes.

MBBM: Ah bon, mais alors... donc en fait vous étudiez les... enfants? qui lisent des livres?

Ego: Non non, j'étudie l'enfant dans les livres, donc pas l'enfant réel en fait. L'enfant imaginé par l'adulte.

MBBM: ...

Ego: En fait on pourrait dire que j'étudie l'adulte.

MBBM: L'adulte?

Ego: Avec un grand A. L'Adulte. Pas forcément le vrai adulte. Plutôt l'être-adulte.

MBBM: ...

Ego: Et vous vous faites quoi?

MBBM: J'étudie la répartition géographique des fossiles d'ortie.

Ego: Ah! Oh! Très bien.

lundi 16 janvier 2012

Les mystères de l'aetonormativité

Les mystères de quoi? Oui, à moins que vous soyez plutôt bien informé en critique littéraire de la littérature jeunesse, vous n'avez certainement jamais entendu ce terme de votre vie. Une petite recherche sur google.fr m'informe qu'il n'existe nulle part en français, alors je me permets de le traduire. Car c'est un concept extrêmement important - l'un des pivots de l'étude des livres pour enfants - et je pense que ça vaut la peine d'écrire quelques lignes sur le sujet.

Le concept d'aetonormativité a été développé par Maria Nikolajeva, accessoirement ma directrice de thèse mais aussi et surtout l'une des plus grandes pontes de la critique de la littérature jeunesse contemporaine, dans plusieurs articles mais aussi dans ce livre, Power, Voice and Subjectivity in Literature for Young Readers (2010). Mais avant qu'elle ne lui donne un nom, c'était déjà une notion existante depuis des décennies d'étude de la littérature jeunesse.

Le concept d'aetonormativité est à la base calqué sur le concept d'hétéronormativité, qui dans la critique queer définit l'existence d'une norme hétérosexuelle, hétéroérotique, etc dans notre culture et notre société. De manière similaire, le terme d'aetonormativité se réfère étymologiquement à la norme de l'âge, et définit l'existence d'une normativité de l'âge adulte, de l'être-adulte et du devenir-adulte, dans les productions culturelles destinés à la jeunesse et dans le système éducatif.

Ce que ce concept implique, c'est que ces productions culturelles et cette pensée éducative renforcent la normativité et donc la suprématie de l'adulte et de l'être-adulte au détriment de l'enfant et de l'enfance, et donc confirment et reconfirment une relation de domination ou de pouvoir de l'adulte sur l'enfant. Cette domination peut s'exercer de deux manières parfois opposées:

- En refusant l'enfant réel au profit de l'enfant idéal (Romantique), préservé dans un état d'innocence et d'impuissance, incapable de grandir, parfois érotisé, et assujetti à l'adulte.
- En permettant à l'enfant d'exercer un certain pouvoir, mais temporairement, pour l'inscrire par la suite dans un processus de maturation et de croissance qui consolide les fondements du monde adulte.

On parle de norme car dans ces productions culturelles, la norme est l'adulte et l'enfant est l'Autre (tout comme la femme est Autre chez Simone de Beauvoir, les peuples colonisés sont Autre chez Edward Said, etc: c'est un motif récurrent de la critique culturelle). Comme c'est l'enfant qui est le destinataire de ces oeuvres, l'enfant est paradoxalement invité à se considérer lui-même, et son enfance, comme Autre: non-adulte, non-fini, non-sexué, non-travaillant, etc.

Ce concept est absolument central à toute critique de la littérature jeunesse qui s'intéresse aux relations de pouvoir entre enfant et adulte dans le médium. Il pose la question systématique de ce qu'un livre jeunesse propose à l'enfant-lecteur comme conception de son enfance, et conséquemment comme conception de sa puissance en tant qu'enfant. C'est aussi un concept dont les ramifications sont infinies pour comprendre et expliquer les relations complexes, et ambiguës, que les adultes entretiennent vis-à-vis de l'enfance des autres et de la leur, à la fois rêvée et rejetée.

vendredi 13 janvier 2012

Quelle est la différence entre étudier la littérature et étudier la littérature jeunesse?

Beaucoup de gens me posent cette question: quelle est la différence entre l'étude littéraire d'un texte 'pour adultes' et l'étude littéraire d'un texte 'pour enfants'?

Pour y répondre, il faut d'abord considérer l'axiome de l'étude de la littérature jeunesse. Cet axiome, c'est le suivant: nous nous basons sur l'idée que la littérature jeunesse constitue une représentation symbolique des rapports adulte/enfant.

Ce qu'on veut dire par là, c'est que tout livre destiné à la jeunesse, écrit par l'adulte pour l'enfant, est nécessairement habité par des valeurs, croyances, désirs, etc, qui modulent et définissent un réseau de représentations de la relation entre adulte et enfant: que ce soit l'adulte et l'enfant 'réels' (auteur/lecteur), 'imaginés' (adulte idéal/enfant idéal), ou même 'conceptualisés' (le concept d'être-adulte, le concept d'enfance).

Toute étude de la littérature jeunesse doit prendre en compte cet aspect, selon moi, car si elle ne le fait pas, ce n'est plus une étude de la littérature jeunesse mais une étude littéraire qui utilise accessoirement des livres que l'on estime destinés aux enfants.

C'est la différence, par exemple, entre une étude du Petit Prince qui ne fait aucune mention du fait qu'il s'agit d'un livre de jeunesse et une étude du même livre qui, parallèlement ou conséquemment au thème choisi ('la philosophie dans le Petit Prince', on va dire), va chercher à décrire et expliquer les rapports adulte/enfant qui transparaissent dans l'oeuvre.

Pour clarifier, une étude 'idéale' de la littérature jeunesse va nous en apprendre un peu plus sur des questions spécifiquement liées aux relations complexes entre enfance et âge adulte: des concepts tels que la transmission, les différences générationnelles, le temps, la nostalgie, les idéaux d'éducation, etc.

Personnellement, je pense qu'une étude littéraire d'un texte destiné aux enfants qui ne prend pas ces aspects en compte est problématique, voire inutile, car elle ignore (volontairement ou involontairement) l'un des piliers du texte: la raison pour laquelle il a été écrit, et les pratiques de lecture qui y sont associées.

C'est souvent cela que les gens ne comprennent pas quand on leur dit qu'on étudie la littérature jeunesse. Ils pensent qu'on fait une étude littéraire classique, mais avec des textes 'simples'. Si c'était le cas, ça manquerait vraiment d'intérêt, à mon avis. En fait, étudier la littérature jeunesse, c'est s'inscrire dans une autre tradition critique: les questions que l'on pose au texte sont différentes de celles que poserait un chercheur en littérature.

Quand on étudie la littérature jeunesse, on ne perd jamais l'enfant des yeux, qu'il soit réel, imaginé ou conceptualisé.

mardi 10 janvier 2012

Rigolons rigolons


Le septième épisode de mon podcast en anglais sur la littérature jeunesse, Kid You Not, est en ligne depuis dimanche!

J'y discute avec mon amie Lauren, qui bosse dans l'édition, de la littérature jeunesse humoristique.

Ca se passe ICI et on peut aussi s'abonner sur iTunes!

Faisez tourner ou quoi!

Allez bises - enfin kisses, enfin tout ce que vous voulez.

vendredi 6 janvier 2012

La paralittérature de la paralittérature

NB 1) Si vous en êtes à vous demander 'La QUOI de la QUOI???', allez faire un tour ici d'abord.

NB 2) J'ai maintenant 23 ans donc mes articles seront désormais immensément plus mûrs que la semaine dernière.

NB 3) Pour une discu plus longue (et en anglais) de la question de la qualité en littérature jeunesse, je vous invite à écouter cet épisode du podcast que je coanime!


Etre chercheur en paralittérature ne veut absolument pas dire qu'on n'est pas un snob. On snobe toujours quelque chose. En l'occurrence, ceux qui étudient sérieusement, je ne sais pas, au hasard, tiens, la littérature jeunesse par exemple, vous diront souvent que c'est un scandale que cette littérature riche, imaginative, expérimentale et formatrice soit si négligée par ces snobinards de chercheurs en Littérature avec un grand L. Mais par contre, ils vous hurleront de rire au nez si vous mentionnez les Monsieur-Madame, Tchoupi, Spot et autres Chair de Poule. Sans parler de Twilight.

C'est qu'il existe aussi une échelle de valeurs en paralittérature, paradoxe extrême puisque c'est une littérature qui se définit justement comme rétive à tout canon. On n'est jamais dans le relativisme total. Ce n'est pas parce qu'on veut promouvoir une littérature anti-canonique, ou une littérature qui trouve en partie sa valeur dans sa fonction ou dans son intérêt socioculturel, qu'on ne peut pas dire que franchement, oui, Spot, c'est quand même tout nul.

Ou plutôt, on ne le dit même pas: simplement, on n'en parle pas, on ne l'étudie pas. Souvent, il y a une sorte d'accord tacite entre chercheurs: les Monsieur-Madame, c'est hors limites. Chair de Poule, à la rigueur, à condition d'en faire une étude sociologique et non littéraire.

Il existe donc dans le milieu universitaire une paralittérature de la paralittérature: on établit peu à peu, parfois inconsciemment, notre propre canon. Ce canon sert à définir nos valeurs et nos mesures de qualité. Il exclut, presque d'emblée, un certain type de livres: le comble, c'est que ce sont généralement des livres 'de genre': les histoires de caca prout/ de petits chats et chiens destinées aux 3-7 ans; les histoires de cheval/de ballerines/ de football/ d'horreur destinées aux 7-10 ans; les histoires d'amûûûr pour ados.

En gros, et ironiquement, on répercute sur notre branche de la littérature les persécutions qu'on nous fait endurer, car la littérature 'de genre' est précisément ce qui est exclu du canon établi par les dégenrés de la Littérature.

Parfois, cependant, on lit des études qui prennent en compte ces laissés-pour-compte, qui comptent d'autant plus qu'ils comptent des centaines de milliers de jeunes lecteurs. Jusqu'aux années 90 on parlait très peu, par exemple, des séries en littérature jeunesse: on considérait ça comme une sous-littérature jeunesse, une littérature sur recette, qui réconforte les lecteurs au lieu de les interpeler. Jusqu'à ce que quelques livres commencent à analyser ce type de littérature autrement: notamment comme l'opportunité pour l'enfant-lecteur d'un apprentissage progressif de la nature et du fonctionnement de la fiction littéraire, d'après l'observation d'une structure narrative, d'une caractérisation des personnages, de thèmes variant subtilement mais ancrés sur un axe fictionnel puissant et cohérent.

Bref, bien qu'étant absolument anti-relativiste en termes de qualité (on peut et on doit juger de la qualité d'une oeuvre de fiction pour enfants, et c'est un des rôles de la critique de la littérature jeunesse), je refuse de me contenter de ces critères pour déclarer qu'il faut ensuite mettre de côté les livres dont on a décrété qu'ils ne remplissaient pas les conditions requises.

La paralittérature commerciale et la paralittérature de genre ont tout autant à nous apprendre sur les raisons pour lesquelles on écrit pour les enfants et ce qu'on leur communique par le biais du livre pour enfants que tous les Madeleine L'Engle et tous les Grégoire Solotareff du monde.